C’est dimanche matin. Pour me sortir de mon état léthargique, je me sers une tasse de café. Comme tous les matins, je relève un par un les stores du séjour.
Dehors, l’automne est déjà bien installé. La température a nettement baissé et la nature a revêtu sa robe de saison, un subtil mélange d’ocre et de gris couvre le paysage. Au coin de l’allée, le rosier des chiens (Rosa canina) semble faire de la résistance: ses fruits écarlates semblent être un pied de nez au code vestimentaire en vigueur.
Entre ces cynorhodons j’aperçois les Pierrots, comme les appelait ma grande tante. Les moineaux domestiques (Passer domesticus) sont tellement fréquents dans nos jardins, parcs et villes, qu’il est aisé de les croiser sans même les remarquer. Le groupe qui s’agite devant moi compte plusieurs mâles et plusieurs femelles. Je pose ma tasse et attrape mes jumelles.
À priori, les moineaux ne sont pas des oiseaux spectaculaires, mais en y regardant de plus près je m’aperçois vite que leur plumage est composé d’une myriade de teintes. Le mâle se distingue par une calotte grise et des joues gris pâle. En dessous de son bec de forme conique, il porte une bavette noire. Ses yeux sont entourés d’un trait noir qui me fait penser aux représentations de quelques dieux égyptiens. Les ailes brunes striées de noir tranchent nettement avec le bas de son corps gris. La femelle, bien que plus discrète, renvoie une image plus humble avec des couleurs plus douces. Sans bavette ni calotte, elle s’autorise néanmoins une petit touche de coquetterie sous la forme d’un léger trait plus clair à l’arrière de l’œil. La base de son bec jaunâtre permet également de la différencier de monsieur.
Soudain, la petite bande quitte le rosier d’un vol rapide et puissant en direction du poulailler. Là, elle se livre à un pillage en règle des graines à disposition de nos gallinacés. En cette période de l’année, les graines constituent la majeure partie de l’alimentation des moineaux. Le coq, peu enclin au partage, a vite fait de déloger les intrus, les renvoyant aussitôt vers les plus hautes branches du rosier.
À leur retour, un mâle en particulier attire mon attention. Légèrement plus petit, celui-ci porte une calotte brune et une tache noire très nette sur la joue. Je n’y avais pas prêté attention mais il n’y a pas qu’une espèce qui semble fréquenter mon églantier. Le moineau friquet (Passer montanus) est de la partie aussi. D’ailleurs, à bien y regarder, ils sont plusieurs. Ici, la femelle est plus difficile à identifier car elle ressemble à son partenaire mais ses couleurs me semblent moins vives.
Les deux espèces sont grégaires et ont donc tendance à vivre en bande. De plus, domestique et friquet cohabitent volontiers sur un même territoire. Le friquet appréciant moins notre proximité (anthropophilie) que son cousin. Il est donc plus rare de l’apercevoir. Je suppose que la proximité des champs, où il trouve sa nourriture, explique sa présence ici.
Voici que dans la rue, une voiture passe et ma joyeuse troupe s’envole à nouveau et cette fois-ci, je la perds de vue. Derrière moi, j’entends des grognements et je sais ce que cela signifie. Je vais avoir besoin d’un autre café.
Oli


Salut les z’humains.
Décidément, l’hospitalité c’est pas son fort. Monsieur boit son café tranquillement mais pensez-vous qu’il m’en aurait servi une tasse? Faut tout faire soi-même dans cette maison! Enfin, voyons le sujet du jour.
Les moineaux.
La tata Jeannine n’a rien inventé. Le nom de Pierrot fut utilisé pour la première fois dans une fable qui s’appelle «Le chat et les deux Moineaux», je le sais, car son auteur est l’un de mes anciens apprentis. C’était quoi son nom déjà à celui-là? Je ne me rappelle plus, bref!
On le surnomme aussi le «piaf» probablement dû à son cri que vous, les z’humains, imitez en faisant piou piou. Franchement, vous devriez vous entendre.
Pour ce qui est du moineau domestique.
Comme vous vous en doutez, il est lié aux moines. En effet, sa couleur peut faire penser à la bure des moines et la calotte rappelle la tonsure de ces derniers. En parlant de tonsure, j’en connais un qui ne va pas tarder à avoir une piste
d’atterrissage pour moineaux sur le sommet de son crâne.
«Le trait noir sur les représentations égyptiennes est du Khôl, espèce d’inculte!»
Les moineaux étaient d’ailleurs connus chez eux. Ils avaient même leur hiéroglyphe qui signifiait petit ou étroit et en d’autres circonstances il signifiait «un homme prolifique».
Le nom domesticus lui vient de son habitude à vivre toujours à proximité de votre espèce et votre histoire commune remonte à loin. Vous l’avez tantôt chassé, car soupçonné de détruire les récoltes, tantôt ré-introduit pour chasser les insectes dans le but de sauver ces mêmes récoltes. Vous en avez fait un animal de compagnie. Le pauvre est même passé par la case casserole, sous prétexte qu’il avait des vertus aphrodisiaques. Cette réputation est probablement due à son association avec la déesse grecque de l’amour et des plaisirs charnels d’Aphrodite. Ah, Aphrodite un jour elle et moi étions…..
Désolé, le moine de service ne veut pas que je vous la raconte celle-là.
Arlolo

C’est trop cool papa
Merci Fils 🙂
Très belle plume 😊