Mes premiers pas en photographie naturaliste

 

Les premiers pas en photographie naturaliste

Avant de vous conter cette matinée, il faut que je vous explique comment je suis arrivé à la photo.

La photographie était déjà une passion étant jeune. Quand j’avais une douzaine d’années, mon père se mit à la photographie. Dans la famille, on a une tendance à faire les choses, disons, en grand. Nous avions donc très rapidement plusieurs appareils et une chambre noire installée à la maison. Et oui, chers lecteurs et lectrices, je vous parle d’un temps où il ne suffisait pas d’insérer une petite carte dans une machine à la grande surface du coin pour imprimer ses clichés. Je vous parle de photos sur pellicule, de photographie argentique. C’est à cette période que je reçu mon premier appareil photo, un Olympus.

Mon chien, les arbres, les plantes, les oiseaux, qui étaient toujours trop petits et trop loin, constituaient certes, de merveilleux modèles mais je l’avoue très peu collaboratifs. Modèles que je m’empressai d’exposer à la lumière et au différents produits chimiques afin de les coucher en noir et blanc sur papier glacé. Et puis, est arrivé l’adolescence avec ses nouvelles passions, et un déménagement qui condamna définitivement la chambre noire et par la même occasion ma passion pour la photographie.

Ce n’est qu’au printemps 2020 que j’allais retomber en amour avec cet art. Dans le cadre de mes études de guide nature, je réalisais un travail de fin d’études au Canal de Bernistap. Afin de documenter un maximum mon écris, je visitais régulièrement le site appareil photo autour du cou.

Par une magnifique journée ensoleillée, j’ai eu le bonheur de rencontrer une renarde. Elle était à quelques mètres de moi et ne semblait pas me craindre. Nous nous sommes observés pendant un long moment avant qu’elle ne reprenne sa route calmement. Pendant ce moment suspendu dans le temps, j’ai pu lui tirer le portrait. Ce cliché, vous ne le verrez pas chers amis, je le garde jalousement tel un trésor.

Quoiqu’il en soit, ce moment me donna envie de m’y remettre. C’est pourquoi, en 2022, je m’inscrivis à une formation en photographie. Ayant déjà revendu un rein pour financer ce site, je voulais être sûre de maitriser mon appareil avant de de me séparer de mon deuxième organe pour investir dans du matériel plus performant.

Ce qui m’amène enfin à cette belle journée du 4 février. Comme tous les matins à six heures précise, mon réveil se met à hurler dans mes oreilles mais contrairement aux autres matins, je décide de l’ignorer. La veille le bulletin météo annonçait un temps maussade et un ciel couvert. Il faut dire que c’est la troisième semaine que je me lève avec les poules le weekend et que je pars à l’aube pour photographier les sujets qui alimenteront la page Facebook et Instagram. Malheureusement, les lumières des dernières semaines ne m’ont pas permises de faire des photos valables. C’est avec regret que j’ai supprimé à peu près toutes les photos que j’ai pu faire sur les deux dernières semaines. Malgré tout, je considère que ces deux matinées sont une réussite. D’une part, j’ai eu la chance d’observer deux oiseaux que je n’avais jamais croisé, le Sizerin flammé et le Roitelet à triple bandeau. D’une autre part, les enseignements que j’ai tirés de mes deux semi-échecs.

La première chose que mes sorties m’ont apprise, c’est l’humilité. J’ai beau être guide et bien connaître mon sujet, il me faut intégrer qu’en forêt, je ne suis plus chez moi. Les habitants connaissent mieux les lieux et sont en permanence aux aguets. En témoigne, ce chevreuil qui s’enfuit au son de ma bottine, écrasant la neige, faisant pour lui autant de bruit qu’un concert de heavy métal norvégien. Ou alors, ces oiseaux qui s’envolent à la moindre branche qui craque. En tant que guide, je suis bien placé pour savoir que la moindre dépense d’énergie superflue peut s’avérer dangereuse, voir mortelle pour les animaux. Je dois donc me rendre le plus discret possible. Je comprends mieux à présent les tenues camouflages qu’enfilent les photographes animaliers. Il ne s’agit pas de faire joli mais de préserver un maximum les habitants des lieux en leur évitant le stress de ma présence.

La deuxième chose que j’ai apprise me concerne plus personnellement. Dans la vie quotidienne, je suis légèrement obsédé par le temps qui passe. Je ne sais plus qui a dit que : « à l’échelle de l’univers, notre vie n’est qu’un hoquet » mais je prends cela très au sérieux. Chaque instant m’est précieux et je cherche toujours à en jouir un maximum. Eh bien, chers lecteurs et lectrices, au moment où je trouve un endroit confortable ou poser mon séant, que ce soit sur une souche d’arbre ou allongé dans les feuilles mortes, tout ça n’a plus aucune espèce d’importance. Je m’aperçois que je peux attendre un long moment sans bouger et surtout sans regarder l’heure. La seule limite, ce sont mes genoux qui me l’imposent.

Finalement, c’est Arlolo qui sur le coup de neuf heure me hurle dans les oreilles. Il me montre le magnifique rayon de soleil qui transperce le store de la chambre.

Allez debout féniasse ! On va promener et prends ton matériel, je sens que ça va être la bonne.

Peu convaincu mais enthousiaste à l’idée d’aller profiter du soleil, je m’habille et avale une tasse de café. Très vite, nous nous retrouvons sur les petits chemins quand soudain retentit le cri d’un pic noir. Je l’ai souvent vu en vol mais je n’ai jamais eu le plaisir de l’observer au repos. Le chemin borde un champ et les cris semblent venir du petit bois jouxtant ce dernier. Un autre pic, situé lui à une centaine de mètres de là, semble converser avec celui que je suis. J’attrape mes jumelles mais je ne parviens pas à le trouver. Je finis par le voir, quand d’un vol souple, il rejoint un autre petit bois sur la gauche. Je parviens à m’approcher un peu mais, malgré le téléobjectif que Saint-Nicolas m’a offert cette année, il reste hors d’atteinte.

Pic noir au sommet d'un épiceaa
Facile à entendre pas facile à Voir le Pic

 

Arlolo, bizarrement de bonne humeur, m’entraine ensuite dans les sous-bois. Avec les rayons du soleil qui traversent les branches dépourvues de feuille, le lieu baigne dans une ambiance si douce que je décide de rester là. Assis sur une souche, mon appareil photo sur son trépied, je scrute les alentours. Après mon intrusion, il faut un certain temps avant que la vie et la faune reprennent leurs activités. Ici une mésange nonette fais des allers-retours sur les branches d’un jeune hêtre encore habillé de ses feuilles brunes. Là, c’est une charbonnière qui se pose dans un épicéa. Calmement, je fais mes réglages, la mise au point et clic clac (Kodak, pour les plus vieux). J’inscris mes mannequins du jour sur le capteur.

Sitelle tochepot
Une vrai contorsionniste/alpiniste la Sitelle

Une petite sitelle grimpe le long d’un tronc à la recherche de son petit déjeuner. Je m’émerveille de sa capacité à se mouvoir dans tous les sens. Bien moins souple qu’elle, je me contorsionne pour parvenir à la photographier mais mon trépied ne me permet pas de la suivre au plus bas du tronc. Je décide donc de décrocher mon boîtier et de me coucher sur le ventre. Me voilà étendu de tout mon long quand soudain, je détecte un mouvement rapide sur ma gauche. Deux formes viennent de surgir derrière moi. Un peu pris de panique, je bascule mon corps et me retrouve nez à nez avec un chevreuil. Le ou la deuxième a filé mais une chevrette reste là à moins de dix mètres de moi.

Croyez-moi, quand je vous dis, que je n’ai jamais autant tremblé de ma vie. Incapable de faire la mise au point. Impossible d’enclencher l’auto focus que je venais de désactiver juste avant. Mes poumons, sous l’effet de l’adrénaline, semblent produire un air trop chaud qui envahit mon viseur de buée et m’empêche d’accrocher le cervidé dans mon viseur. J’ai tellement peur de rater la photo. C’est à ce moment-là qu’Arlolo me souffle dans l’oreille :

Calmes toi. Elle ne va pas s’enfuir. Prends le temps de la regarder, profites de ce moment.

Il a raison, je suis tellement pressé de prendre cette photo que je passe à côté de ce moment magique. Je pose mon appareil sur mon torse et inspire profondément. La jeune chevrette m’observe. Elle ne semble pas du tout effrayée, plutôt intriguée par cet étrange être brun-kaki allongé là. Ses oreilles vont d’avant en arrière. Je respire à nouveau normalement et mon corps se détend.

C’est mieux, non ? Vas-y maintenant, prends tes photos, elle n’a pas que ça à faire non plus.

Je reprends doucement mon appareil, fais les réglages et lui tire le portrait. Elle, elle prend la pose et après quelques photos, se détourne lentement de moi. Avant de disparaitre derrière un arbre, la belle effectue encore un dernier volte-face pour me regarder avant de disparaitre calmement.

 

Chevrette
Je n'oublierais jamais ce regard
Un dernier coup d'oeil

Je reste là, allongé dans les feuilles mortes. Un sentiment de bien-être m’envahit, je crois même que quelques larmes de joie viennent timidement humidifier le coin de mes yeux. J’ai envie de prolonger ce moment encore un peu. Arlolo, vient s’allonger à mes côtés.

Alors, heureux ?

Pas besoin de lui répondre, le large sourire sur mon visage en dit long.

Nous restons encore un peu à regarder la cime des arbres. Il est midi, il ne se passera plus rien pour l’instant.

Oli, c’est l’heure de l’apéro, on y va ?

Sur le chemin du retour, une mésange semble m’invectiver.

Je regarde Arlolo.

Elle te dit que ce n’est pas une raison pour attraper la grosse tête, qu’elle aussi veut être une star.

Je dégaine et clic-clac.

Il en faut pour les petits aussi

Oli et Arlolo

Un raconteur de nature, accompagné d'une drôle de bestiole

Cet article a 2 commentaires

  1. Anonyme

    Quelle belle rencontre

  2. Benjamin

    Très beau récit. Et bravo pour les photos. Vivement les suivants!

Les commentaires sont fermés.